Parlons de racisme intériorisé dans les relations amoureuses

par Thu-An Duong & Lucine


“Mais je peux pas être raciste, ma femme est laotienne !” 

“Vous vous méprenez, ma belle famille est sri-lankaise”

On a déjà tous.tes entendu ça. La justification d’un acte ou d’une parole raciste par l’amour, par des liens d’affection envers quelqu’un.e d’une communauté. Peut-on être remplis de préjugés quand on aime ? Bien sûr que oui. 

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Les différents types de biais cognitifs et affectifs qui pullulent nos esprits sont fortement influencés par le monde qui nous entoure, en l'occurrence le comportement des autres, et la représentation dans les médias. La vision des jeunes asiatiques nerdy, timides, sans force de caractère ou confiance en soi, ou des parents sévères et froids, avec un accent saccadé (qui, d’ailleurs, ne ressemble à aucun accent asiatique existant) souvent perçus comme des étrangers éternels a bercé l’enfance et l’adolescence de nos camarades de classe, et forcément, la notre aussi. Et ça, c’était si on daignait nous représenter. La société nourrit ces stéréotypes continuellement, participant aux raccourcis qui sont créés implicitement dans nos cerveaux. 

Les biais sont loin d’être l’unique source du racisme et des préjugés, mais ils persistent inconsciemment dans nos réflexions et dans nos émotions. C’est pourquoi ils se manifestent même dans des relations amoureuses, et parfois, envers notre propre groupe racisé. On appelle ça du racisme intériorisé.

Lily dans Pitch Perfect “The Quiet One”

Lily dans Pitch Perfect “The Quiet One”

“Si je sors avec un.e asiat.e, j’aurais l’impression de sortir avec maon cousin.e” entendu x fois de la bouche d’adelphes asiatiques. 

Eh oui, on n’est pas épargné.es non plus. Notre refus identitaire a longtemps façonné notre manière de voir les relations amoureuses. Réduire nos communautés aux mêmes stéréotypes qui nous écrasent, c’est aussi participer à notre propre oppression.

Apu dans les Simpsons

Apu dans les Simpsons

Pourquoi cette crainte de s’associer avec des personnes qui nous ressemblent ? 

Parmi les nombreuses réponses, une revient avec récurrence : la peur de ne pas paraître assez intégré.e.

Si cette peur est omniprésente dans nos communautés, c'est parce que cette société s'approprie nos actes intimes et personnels pour en créer ses propres représentations idéologiques et politiques. La rhétorique est binaire : le métissage est la voie de l'anti-racisme alors que l'union non mixte est symbole de communautarisme.

Cette peur d’être vue comme un.e étrangèr.e perpétuel.le s’appelle le Perpetual Foreigner Myth (un mythe consistant à percevoir les communautés asiatiques comme extérieures, étrangères au pays d’accueil).
Pourtant, nos communautés asiatiques sont présentes en France depuis des générations, et malheureusement, nous occupons encore trop peu l’espace public. Souvent vues comme des populations obéissantes, discrètes, “modèles”, sans conviction et sans revendications, nous sommes souvent écarté.es des débats qui animent les français. C’est un thème à part entière qui mérite d’avoir son propre sujet de rédaction, mais il nous semblait nécessaire de le relier au racisme intériorisé, car c’est ce même mythe que nous cultivons en nous efforçant de prouver notre intégration et appartenance à la France.

Adelphes asiatiques, nous n’avons rien à prouver.

Linda Blacker and Michelle Elman Photo project

Linda Blacker and Michelle Elman Photo project


“Je voulais tellement me fondre dans la masse. Mes traits, ma couleur de peau et mon nom suffisaient pour susciter des moqueries, alors pourquoi se faire remarquer encore plus en s'alliant avec quelqu’un qui me ressemble ? Comment trouver ces traits attirants chez quelqu’un d’autre, quand je les détestais sur moi-même ?” témoigne Mariam, 27 ans.


“Pendant toute mon adolescence, j’ai refusé d’admettre mon attirance envers les hommes asiatiques, sauf s’ils étaient métisses et white-passing. Les stéréotypes étaient tellement forts que moi-même, j’y croyais.”

Lan-Anh, 23


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